Le lendemain du monde
Olivier Cotte et Xavier Coste
En album, quête initiatique, fable spéculative et véritable thriller…
Paru en 1899, Au cœur des ténèbres
de Joseph Conrad décontenança le lectorat. Cette longue nouvelle mettait en
scène une Afrique trouble, peuplée des personnages, autant les Blancs que les
Noirs, ambigus et peu recommandables. Brûlot anticolonialiste pour les uns,
œuvre aux relents de racisme pour les autres, cette fine et étrange étude
psychologique est devenue depuis un classique de la littérature anglo-saxonne.
Le texte a également inspiré de nombreuses adaptations. Xavier Coste et Olivier
Cotte « s’attaquent » à leur tour au délicat travail de
retranscription et de modernisation avec Le lendemain du monde.
Situé
dans un futur proche alors qu’un virus informatique a rendu impossible
l’utilisation de l’électricité, l’album rejoue la trajectoire fluviale de
Charles Marlow renommé James Graham Keran à cette occasion. Celui-ci s’embarque
à la recherche de la source supposée de la catastrophe qui paralyse la planète
: Allan Trickster, le codeur à l’origine du programme criminel. La rumeur
raconte que ce dernier vivrait dans une cité perdue au fin fond du Continent
noir. Pour atteindre son but, l’ancien soldat, dont la mission est clairement
d’éliminer cet individu et ses serveurs, va devoir traverser des territoires
anarchiques, tenter de survivre au milieu de populations fanatisées et échapper
à des agents concurrents.
Le scénario d’Olivier Cotte met les peurs engendrées par la généralisation des intelligences artificielles au centre du débat.
Entre
mini-discussions éthiques et scènes chocs fantasmagoriques, le héros remonte un
fleuve aux eaux poisseuses et méphitiques. L’atmosphère pesante du texte
original est impeccablement reprise et la traversée n’offre que peu d’espoir à
ses habitants.
Pour
rendre cette épopée implacable, Xavier Coste sort le grand jeu. Le trait acéré
et réaliste passe à un expressionnisme inquiétant dès que la nuit tombe et
glisse même dans l’abstraction quand l’esprit capitule, écrasé par des forces
inconnues. Le résultat reste d’une parfaite clarté.
Quête initiatique, fable spéculative et véritable thriller d’aventure en même temps, Le lendemain du monde est une réussite et n’a en rien à rougir face aux précédentes relectures du roman de Conrad.
Chronique
complète par A. Perraud :
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