jeudi 6 avril 2017

La fille de Souslov

La fille de Souslov

Habib Abdulrab Sarori

Traduit de l’arabe par Hana Jaber





Amran a quitté Aden pour la France au milieu des années 1970 en tant que boursier. À l’époque, son pays s’appelait la République démocratique populaire du Yémen et se présentait comme le phare du “socialisme scientifique” dans la péninsule Arabique. Après plusieurs années passées en France, affecté par la perte de sa femme française qu’il aimait passionnément, ayant perdu ses illusions de jeunesse, il rentre dans son pays, désormais uni au Yémen du Nord, et s’y sent totalement étranger. Il rencontre par hasard à Sanaa une prédicatrice salafiste en niqab, et il est abasourdi de reconnaître en elle son amour d’adolescence, Hâwiya, la fille d’un grand dirigeant du parti socialiste, surnommé Souslov, du nom de l’idéologue du parti communiste soviétique. En renouant avec elle, il parvient à comprendre les méthodes de recrutement du mouvement salafiste, son mode de fonctionnement et ses relations équivoques avec la dictature militaire. Quand éclate en février 2011 le “printemps” yéménite, il est dans la rue avec ses rêves de changement démocratique, mais les salafistes sont là aussi, et ils attendent leur heure de gloire…

Mon récit commence dans l’échoppe de l’Aveugle, juste avant mon départ pour Paris. J’avais reçu une bourse pour y étudier au milieu des années 1970. Je me préparais à quitter Aden, qui était en plein tohu-bohu de la “période de la révolution nationale démocratique populaire”. L’échoppe de l’Aveugle était une toute petite épicerie à l’angle de notre rue, tenue par un vieillard frêle, pieux et aveugle, auquel je vouais une profonde affection. Je lui rendais visite tous les jours. Je passais de longs moments en face de lui, assis sur de gros sacs en jute remplis de sucre, de farine ou de riz. Je l’observais circuler dans son échoppe, étonné de la dextérité avec laquelle il saisissait les articles sur les étagères, manipulant sans assistance et avec précision les deux plateaux de sa balance en acier rouillé, pour mesurer les quantités de farine et de beurre que réclamaient les clientes.

Habib Abdulrab Sarori, né à Aden en 1956, est professeur d'informatique à l'université de Rouen. Auteur de romans, de nouvelles et d'essais, il a publié un roman écrit en français, La Reine étripée (1998).

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